BENGUETTAF M’Hamed


Algérie Origine de la bourse : Beaumarchais / Projets d\'écriture

Auteur, comédien, traducteur

Arrivé au monde le 20 décembre 1939. Figure marquante du théâtre algérien, d’abord comme comédien, M’Hamed Benguettaf a travaillé pour la radio puis a passé une grande partie de sa carrière au Théâtre national algérien, avant de figurer parmi les fondateurs de la compagnie Masrah El Kalâa - Théâtre de la Citadelle. Egalement traducteur ou adaptateur de Nazim Hikmet, Kateb Yacine, Ali Salem, Mahmoud Diab ou Ray Bradbury, M’Hamed Benguettaf estime avoir bouclé la première grande étape de son parcours qu’il assimile, suivant ses propres termes, à "un stage de formation professionnelle", étape à la faveur de laquelle il pense avoir réuni les outils de son propre langage et s’être forgé désormais sa voix d’auteur dramatique.
En 2003, son adaptation contemporaine de Don Quichotte L’homme qui n’y était pour rien, une co-production algéro-française qui a reçu le label Djazaïr, une année de l’Algérie en France.
Depuis 2004, M’Hamed Benguettaf dirigeait le Théâtre national algérien.

Il est décédé à Alger le 5 janvier 2014.

Crédit photo : Patrick Fabre, Les Francophonies en Limousin, 1995. Mise à jour janvier 2014

Créations de l'auteur

Théâtre

Quichott, l’homme qui n’y était pour rien Lansman, 2003.
mise en scène Bruno Thircuir, Fabrique des Petites Utopies, Grenoble, 2003

Très loin de l’image d’Epinal du redresseur de torts, le célèbre "Chevalier de la Manche" apparaît, sous la plume de M’Hamed Benguettaf, comme un personnage violent malgré lui, se nourrissant de ses lectures romanesques pour plonger dans une sorte de délire où sa maladresse fait bien des dégâts... même s’il dit n’y être pour rien. Les cartes et rôles sont redistribués, mais l’ironie et l’humour sont fidèlement au rendez-vous dans ce road-movie théâtral jubilatoire et troublant.
(Distribution minimale : 8 ( 6 H | 2 F ))

Matins de... quiétude , Lansman, 1998
mise en lecture par Yvan Revol avec Louis Beyler, compagnie L’Avis des artistes, au Théâtre international de Langue Française, samedi 31 janvier 2004, dans le cadre de "Les pré-textes, à la découverte des auteurs francophones"

Quatre heures du matin. Des passants saluent Salah, le cafetier, qui dresse ses tables. La ville s’éveille et se dévoile. Un portrait tragi-comique de l’Algérie vue à travers le quotidien d’un peuple qui tente de préserver l’essentiel : sa foi en l’avenir grâce à sa jeunesse.
(monologue - 1 personnage)

Fatma , Le Bruit des autres, 1990 (bilingue : Version française accompagnée du manuscrit arabe de l’auteur).
mise en scène de Ziani-Chérif Ayad, Théâtre de la Citadelle, Alger 1990 et mise en scène de Christophe Merle, avec Dariétou Keïta, compagnie Les Voix du Caméléon, 2005/2007
Sélection Aneth 1999 et prix Sony Labou Tansi 2003.

Fatma est femme de ménage dans un ministère et à la mairie d’Alger. Ce poste d’observation lui permet de porter un regard ironique sur la société algérienne et sur le monde en général. La Fête de l’Indépendance coïncide avec son tour de lessive. Elle peut disposer de la terrasse…
(monologue - 1 personnage)

Arrêt fixe , éditions Lansman, 1996
mise en scène de Ziani-Chérif Ayad ; mise en scène par Ivan Romeuf, Théâtre de Lenche à Marseille, novembre 2008

Condamné à perpétuité, un prisonnier n’a plus d’autre horizon qu’un bout de fenêtre et la visite régulière de son gardien avec qui il va nouer d’étranges liens. Pourtant, un jour, on lui intime l’ordre de quitter les lieux, et on lui offre même un bien étrange costume... Une belle allégorie !
(2 comédiens)

La Répétition ou Le Rond-point , Editions Lansman, 1994,
mise en scène de Ziani-Chérif Ayad.

Ejectée de ses lieux de répétition successifs, une troupe n’arrive pas à présenter son spectacle et se disloque peu à peu... à l’image du pays. Tous les comédiens ont quitté le navire sauf un qui veut continuer à raconter les mésaventures d’un citoyen très ordinaire en butte avec l’administration.
(Nombre de comédiens : 3 minimum)

Hassna oua Hassan , 1974
mise en scène de Sid Ahmed Agoumi, Annaba, 1975

Stop , 1976
mise en scène de Hadj Omar, Théâtre national algérien,
Alger 1979

Djeha oua Nass et les gens , 1980
mise en scène de l’auteur, Théâtre national algérien, Alger 1980

Ciel, le rideau se lève , 1982

Collier de perles , 1984

Djilali Zin el haddad , 1986
mise en scène de Fellag, Théâtre national algérien, Alger 1986

Le Cri , 1989
mise en scène de Ziani-Chérif Ayad, Théâtre de la Citadelle, Alger 1989

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A propos de M’Hamed Benguettaf

Invité un jour à définir son jardin d’auteur dramatique, M’hamed Benguettaf (...) en a fait le tour d’une tirade qui met en perspective la singularité de sa voix dans la voie particulière du 4ème art algérien : "Comme beaucoup de compatriotes, j’ai été élevé dans l’univers des contes et, plus tard, cette facette a jailli naturellement dans mon écriture. Je n’aime pas les lignes droites ni les cassures, préférant raconter une histoire par un mouvement ondoyant en fonction de nos traditions culturelles".
Kamel Bendimered - Le Matin (Alger) 9 janvier 2014

A propos de Fatma

Jeune Afrique : « A la dernière édition des Francophonies en Limousin, la culture d’Afrique Noire et d’Afrique du Nord s’est exprimée avec diversité… La perle a été incontestablement la pièce Fatma… En 75 minutes d’une intensité fulgurante, un petit bout de femme anonyme nous jette en pleine figure, à fleur de cœur, ses rêves et ses frustrations, ses révoltes et ses éclats de rire… M’hamed Benguettaf a inventé des mots d’une justesse incomparable, d’une sublime simplicité… »
(n° 1660-1661 / 29 octobre -11 novembre 1992)

Autres informations

M’Hamed Benguettaf et les Francophonies en Limousin

Résidence à Limoges en 1994 (bourse de Beaumarchais), puis 2002 et en 2003.

Spectacles présentés :

1990 Fatma, mise en scène de Ziani-Chérif Ayad, Théâtre de la Citadelle Alger.

1994 La Répétition ou le rond-point, Festival des Francophonies en Limousin

1995 Arrêt fixe, lecture, mise en espace de Ziani-Chérif Ayad

1996 Arrêt fixe, mise en scène de Ziani-Chérif Ayad.

1998 Matins de... quiétude, lecture par M’Hamed Benguettaf

M’Hamed Benguettaf a également été accueilli au Festival des Francophonies en tant que comédien dans les spectacles suivants :
en 1995 : Wast Eddar ou le patio du pays éperdu, conception et mise en scène de Ziani Chérif Ayad (Théâtre de la Citadelle - Masrah El Kalaa)
en 1993 : Mille hourras pour une gueuse, de Mohamed Dib, mise en scène de Ziani Chérif Ayad (Théâtre de la Citadelle - Masrah El Kalaa.

Deux heures de vol, trois heures de train
par M’Hamed Benguettaf

On voyage. On se promène. On va de-ci, on va de-là. Et on finit toujours par rentrer à la Maison. Quand on en a une bien sur. Et j’en ai une. A Alger. Place du 1er Mai.
Tout est parti de là, du voyage de Fatma, à Matins de... quiétudes. D’ailleurs tout part de là : les discours, les marches, les manifestations, les lacrymogènes et même... Enfin tout ce qu’il faut pour vivre une histoire, vraiment tout : un hôpital, un commissariat, des boucheries, des boulangeries, des épiceries ; des cordonniers, des coiffeurs, des cafés, le grand marché, le bazar ; la poste, la maison de la presse, un ministère, deux pompes à essence, des Mosquées, des enfants vendeurs à la sauvette, des jeunes adossés aux murs à longueur de journée. Deux écoles primaires, deux lycées, une gare routière, un fleuriste, et même une station de métro qui n’en finit pas d’être travaillée aux entrailles. Tout un quotidien étalé dans sa splendeur, ça inspire ! Et puis que voulez-vous, quand du haut de votre treizième étage, sans ascenceur, vous avez le privilège de voir passer tous les cortèges officiels se dirigeant vers leurs résidences « royales » tout là-haut, traversant votre quartier toutes sirènes hurlantes dans l’indifférence populaire, vous devenez une proie facile à l’inspiration. Elle vous agresse si fort que vous devenez conteur malgré vous. Je reconnais qu’une source d’inspiration n’est pas seulement un lieu. Mais il y a comme ça des endroits qui ont tellement l’odeur de vos racines qu’ils en deviennent des gisements d’images à ciel ouvert. Alors j’en profite, j’observe, j’écoute, je prends note et j’écris dans ma tête, cela peut durer six mois. Période durant laquelle des idées germent, des personnages se dessinent, se développent, fraternisent jusqu’à m’adresser la parole. Et quand les premières phrases et les premières répliques prennent naissance, que je peux enfin les toucher, les effacer, les corriger, les reprendre, la première étape dans mon écriture vient de se terminer. Ne me reste alors qu’à transcrire tout ce que j’ai emmagasiné. Et ça je peux le faire ailleurs que dans l’environnement qui m’a inspiré la matière de mon sujet, car un conteur n’est-il pas un grand voyageur, il peut commencer son récit sur la place de son village et le terminer sur une autre à l’autre bout du monde. Et mon bout du monde à moi... Deux heures de vol, trois heures de train.

On voyage. On se promène. On va de-ci, on vu de-là. Et on finit toujours par rentrer à la Maison. Quand on en a une bien sûr. Et j’en ai une « La maison des auteurs », Limoges, visage accueillant, sourire illuminé.
Je passe le porche. Blanc, comme le cœur de toutes ces belles jeunes femmes qui applaudissent toujours le retour d’un grand ami, et qui l’accompagnent en auditoire difficile pendant son trajet de création. Je passe le porche, je rentre dans une cour gazonnée où les fleurs sentent l’amour et la paix.
Je la traverse sous le regard de deux sentinelles en métal, et de quatre zèbres sculptés dans un tronc d’arbre planté comme un totem, œuvres d’artistes africains. Et déjà le dépaysement n’existe plus, l’endroit transpire la tranquillité malgré la proximité de la gare. Les trains qui la fréquentent sont tellement sensibles à notre présence qu’ils en deviennent discrets, ils font juste assez de bruit pour nous faire sentir qu’on n’est pas isolé.
Dans cette maison de rencontres et d’échanges, de générosité, où les continent se côtoient et se parlent, où la mémoire se dénude au chaud miel de l’amitié, je peux tout déballer. Et je le fais sans vergogne, toutes les couleurs, les odeurs, les sons, tous les repères qui ont voyagé avec moi sont étalés sur la table, en vrac. J’en parle, j’écris, et j’en fais lecture. Je rentre alors dans la deuxième étape dans mon écriture. Période de fouille, de triage, et de mise en ordre.
Et j’en parle, et j’écris, et j’en fais lecture. Cela peut durer six mois aussi, un peu plus, un peu moins. Mais quand l’espace et le temps sont dessinés par les lumières, occupés par les personnages, et que le mouvement des mots devient action, l’œuvre théâtrale est déjà faite. Tout ce qui me reste à faire, c’est de recopier une histoire apprise par Coeur, dans une écriture dramaturgique. La maison des auteurs est là, elle m’offre le recul et le temps nécessaires pour la concrétiser.
La seule difficulté est de le faire dans une belle écriture et surtout sans fautes grammaticales. Mais là je n’ai pas de souci, il y a « Mireille » ! Alors je peux voyager, me promener, et finir par rentrer à la maison, pour recommencer une autre fois.

Deux heures de vol, trois heures de train...

Texte de M’Hamed Benguettaf pour la brochure "La Maison des Auteurs 1988-1998".

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Liens

Le Bruit des autres
Editions Lansman
Africultures