Quand une goutte de pluie coule dans une vitre, il est impossible de prédire sa course. Elle descend en fusionnant avec d’autres gouttes qui la font changer de trajectoire. Elle s’ajoute aux centaines d’autres pour former un arbre d’eau qui prend racine dans les nuages. La maladie d’Alzheimer coupe les chemins à la goutte pour l’empêcher de se rendre au bas de la vitre. Ma mère sait qu’il pleut, mais ne sait plus qui je suis.
Qu’est-ce qu’on se souvient de notre passé ? Pourquoi un personnage de théâtre inventé il y a 33 ans est-il plus frais à ma mémoire qu’une personne rencontrée il y a 5 ans ? Pourquoi ma mère ne sait plus qu’elle peut jouer du piano mais qu’elle en joue très bien dès qu’on l’assoit devant un ?
Est-ce possible de remonter le fil de ma mémoire pour trouver l’événement qui m’a amené au théâtre ? Est-ce possible de remonter le fil de mémoire de ma mère pour isoler le jour où elle a commencé à m’oublier ?
Le projet
Les yeux dans le dos est un spectacle-conférence où se croisent la science, la fiction, la mère de Patric Saucier, Joe Dassin, Marcel Marcel, les spectateurs et un cochon. Comme pour Le Boxeur, Patric Saucier joue tous les personnages. Il creuse de façon intuitive et artistique, les mécanismes des mémoires (sensorielle, auditive, sémantique, épisodique, procédurale, collective...) pour remonter les chemins qui mènent aux souvenirs ou aux oubliettes.
Patric Saucier fait parler les objets simples du quotidien, pour transmettre des sentiments à la fois universels, particuliers et intimes. Une cuillère de bois n’a pas toujours la même connotation en Afrique, en Asie, ou dans les mains de ma mère. Dans certains pays elle est au cœur de tous les repas, elle sert tant à cuisiner qu’à manger, elle peut être un instrument de musique chez les Celtes et au Québec. Elle est avant tout pour Patric Saucier l’objet avec lequel sa mère menaçait de lui donner la fessée. Nourrir, faire de la musique, effrayer. Trois visions d’un même objet pour mieux raconter.